L’opposition dite radicale incarnée par Yewwi Askan Wi a infligé une sévère correction à la coalition Benno Bokk Yaakaar. Les sociologues Abdoukhadr Sanogo et  Cheikh Tidiane Diop expliquent les raisons de la défaite notamment dans les grandes villes.

Des leaders de Benno ont perdu jusque dans leur bureau de vote. Une élection qui ressemble à tout point de vue aux locales de 2009 où le Pds, le parti au pouvoir, avait été laminé. Le sociologue politique, Abdoukhadr Sanogo affirme que les Sénégalais ont décidé de sanctionner le président Macky Sall, en tant que leader de la coalition Bby. Selon lui, les enjeux qui sous-tendent ces élections territoriales étaient fondamentalement liés à la problématique du 3^e mandat.

«Partout dans la campagne, il a été brandie et mentionnée dans les discours. Voter Bby, c’était donner l’opportunité au président Macky Sall de se positionner pour un troisième mandat. C’est dans ce sens,  que, unie et debout comme un seul homme, les gens se sont rués vers les urnes pour voter une liste de commune de Ville tout en se disant en toile de fond que c’était une réponse à donner par rapport aux intentions de la grande politique de Bby qui voudrait se positionner jusqu’en 2035. Ces élections ont constitué un premier tour par rapport à la présidentielle de 2024 et aussi par rapport aux prochaines élections législatives», dit-il. «Quand on sanctionne un responsable, on sanctionne implicitement la politique de son mentor. On sanctionne également la vision et la stratégie qui sous-tendent sa politique», analyse Sanogo.

De son côté, le sociologue Cheikh Tidiane Diop affirme qu’aucun candidat sortant de la mouvance présidentielle n’a pu présenter un bilan satisfaisant pouvant prévaloir pour enrôler les électeurs en faveur de la coalition BBY. Les primo-candidats désignés, selon lui, n’ont pu, quant à eux, expliquer leurs projets, malgré leurs importants moyens financiers, face aux nombreuses attentes des populations qui ont enduré sept bonnes années dans la précarité.

«L’illusion de tous ces candidats sans légitimité populaire ni ancrage local, que les vieilles recettes axées sur les parachutages, la folklorisation de la campagne et l’achat de conscience, pourraient suffire encore, n’a pas été bénéfique cette fois-ci».

En outre, Abdoukhadr Sanogo soutient que ce sont les «affinités électives» qui ont fait la différence. Malheureusement, dit-il, une fois atteint un certain nombre de responsabilités, très vite il y a une rupture entre l’élu et ses administrés. D’après lui, les maires de Benno sont toujours entourés d’ouailles qui leur disent ce qu’ils ont envie d’entendre. A l’en croire, ce sont ces éléments combinés qui ont entrainé ces sanctions contre les leaders politiques les moins en vue pour le compte de leur propre localité.

En définitive, Sanogo indique que c’est la victoire dans la dignité qui a prévalu. «Les gens ont senti que certains leaders voulaient exploiter leurs déchéances sociales, leur état de paupérisation pour venir les acheter avec un petit billet. Ils ont voulu à travers ce canal montrer que le Sénégalais sait voter et a toujours bien voté. Ce n’est pas l’argent qu’on déverse qui va influer sur l’attitude des uns et des autres. Ils ont pris l’argent peut-être, mais ils ont fait un vote utile. C’est la victoire de la dignité et du vote utile», explique Sanogo, ajoutant qu’on peut avoir une lecture d’une nouvelle éclosion de Sénégalais matures. Selon lui, c’est important parce que les hommes politiques comprendront que c’est le peuple qui décide. Et ce peuple, dit-il, a décidé de sanctionner les hommes politiques et de consacrer les acteurs sociaux, communautaires et du terroir.