Il est connu pour son opposition radical au président Macky Sall. Dans cet entretien accordé à Walf tv, le député Mamadou Lamine Diallo accuse le chef de l’Etat d’instrumentaliser la justice pour s’éterniser au pouvoir à cause des découvertes du pétrole et du gaz. Economiste et candidat déclaré à la présidentielle de février 2024, le
Il est connu pour son opposition radical au président Macky Sall. Dans cet entretien accordé à Walf tv, le député Mamadou Lamine Diallo accuse le chef de l’Etat d’instrumentaliser la justice pour s’éterniser au pouvoir à cause des découvertes du pétrole et du gaz. Economiste et candidat déclaré à la présidentielle de février 2024, le leader de Tekki dévoile sa politique économique articulé autour de l’industrialisation et de la sortie du Cfa. Il explique le rôle que devra jouer le ministère de l’Economie en cas de victoire.
WalfQuotidien: Pourquoi vous dites que le dossier Sweet-Beauté est une affaire de complot ? Mamadou Lamine DIALLO: Je ne me suis jamais prononcé publiquement sur cette affaire de viol, parce que j’estime que je ne n’ai assez d’éléments concernant ce dossier. Mieux encore, je ne sais pas ce qui s’est passé dans ce salon. Mais vu les tournures que ce dossier a pris, cette affaire est devenue politique. Elle a fait 17 morts. Cela n’en valait pas la peine. J’ai bien lu le réquisitoire du procureur de la République. En analysant sa décision, il semble qu’il écarte maintenant la thèse du viol et parle plutôt de corruption de la jeunesse parce qu’il est dans le doute. Et je vous assure que c’est la première fois que j’entends «corruption de la jeunesse» ; même les juristes s’interrogent aujourd’hui sur ce réquisitoire du procureur. Et je persiste que c’est une affaire politique. Depuis que le pétrole et le gaz ont été découverts au Sénégal, le président Macky Sall a changé de posture. Il veut s’éterniser maintenant au pouvoir. Il veut instaurer un système de dictature comme Paul Biya le fait au Cameroun.
Pour vous c’est parce qu’on a découvert du pétrole et du gaz dans le pays qu’il refuse de céder son fauteuil?
Oui, c’est ma conviction et j’ai des preuves claires. Il veut instaurer une présidence à vie dans ce pays. Il est le chef de tout le monde. D’ailleurs, à un moment donné, il avait supprimé le poste de Premier ministre. Aujourd’hui, il a remis le poste mais rien n’a changé parce qu’il est partout. Le Premier ministre n’est là que de nom. D’ailleurs il n’a même pas de bureau. C’est Macky Sall qui décide de tout. Et c’est ça la réalité. C’est un vrai dictateur. Il envoie en prison qui il veut. J’ai voyagé partout dans le monde, mais si on veut développer l’Afrique, on ne doit pas avoir un président qui a tous les pouvoirs. Ce n’est pas possible. Cela ne colle même pas avec notre culture.
Avec la culture de démocratie qu’on a dans ce pays, pensez-vous que le président Macky Sall peut transformer ce pays en un Émirat?
Ce n’est pas facile. Je pense qu’il ne peut pas le réussir, parce qu’il peut, peut-être, exercer une dictature sur les acteurs politiques mais il ne peut pas l’appliquer aux guides religieux. Cette dictature qu’il veut appliquer sur nous les acteurs politiques ne passera pas. Tout le monde connaît son parcours. Du temps du régime d’Abdoulaye Wade, il était le plus grand pourfendeur de Idrissa Seck. Et c’est grâce à Karim Wade qu’il est devenu Premier ministre sous l’ère d’Abdoulaye Wade. Et quand il est sorti du gouvernement d’Abdoulaye Wade, c’est nous qui l’avions accueilli dans l’opposition. Et je me souviens bien c’est l’imam Mbaye Niang qui avait insisté pour qu’il rejoigne l’opposition. Et on s’était tous mobilisé pour le porter à la tête de la mairie de Fatick alors qu’en ce moment le Ps et l’Afp voulaient coûte que coûte mettre en place une liste parallèle pour le faire tomber. C’était avec Benno Siggil Sénégal. Donc, il a profité de cet égo entre les leaders de Benno Siggil Sénégal pour tracer sa voie. Moi, je crois au leadership collectif. Et il faut qu’on ait ça au Sénégal.
Pourtant, Macky Sall dit toujours : on gagne ensemble et on gouverne ensemble.
Non, il ne croit pas à ce leadership politique, parce que c’est lui qui décide de tout. Il n’y a pas de réunions régulières au niveau de Benno Bokk Yakaar où des instances pour discuter des décisions politiques. Pourtant du temps de Léopold Sédar Senghor le pays n’était pas si peuplé que ça, il n’y avait pas tous ces réseaux sociaux, pourtant en ce qui concerne le Ps chaque mercredi il convoquait le bureau politique pour discuter avec ses camarades de parti. Un pays se dirige politiquement contrairement à ce qui se passe avec Macky Sall. Que ce soit ses camarades de parti ou ses alliés, personne n’est associé dans ses prises de décisions. D’ailleurs, quand il avait décidé de supprimer le poste de Premier ministre, il n’avait consulté personne. Et quand il a décidé aussi de faire revenir ce poste, il n’en a parlé à personne. Le texte sur le référendum, ses ministres l’ont su en Conseil des ministres. Personne n’était au courant. C’est comme ça que Macky Sall dirige ce pays. Peut-être la Première dame est au courant de certaines choses à l’avance, sinon personne.
Pour vous, qui est responsable des 17 morts sur l’affaire Adji Sarr et Ousmane Sonko ?
On doit situer les responsabilités sur ces décès. Il faut qu’on sache qui a tué. Des enquêtes doivent être menées.
Est-ce que ces propos tenus la fois dernière lors du procès Adji Sarr/Ousmane Sonko ne constituent pas un risque pour la classe politique ?
J’estime que ce n’est pas ça la politique. En France, il y a une politique des mœurs pour protéger la vie privée des hommes politiques, parce que les gens pensent que c’est aussi à l’honneur de la France. Il y a une dignité qui est attachée à certaines fonctions ; on doit la protéger.
Ces propos ne déshonorent-ils pas l’image de Ousmane Sonko qui est le principal opposant? Je ne suis pas d’accord avec ce qui se passe dans cette affaire. Et si j’étais le président de la République, j’allais m’en tenir loin. Il faut que les gens arrêtent ces petites combines et ces manœuvres. Ce n’est pas normal. Je suis contre ces attaques contre Ousmane Sonko. La politique c’est une vision et des débats d’idées.
La tension ne risque-t-elle pas de monter avec l’annonce de l’arrivée de Sonko à Dakar et le verdict qui est attendu la semaine prochaine ?
Les gens doivent revenir à la raison. Et Macky Sall doit laisser cette idée de troisième candidature. On devait même tenir des activités sportives à Dakar, mais tout a été reporté. Aujourd’hui, le Sénégal est devenu la risée du monde entier sans compter l’impact que cette tension a sur notre économie. La tension est là. Elle est palpable.
Quelles réformes judiciaires le prochain président de la République pourrait apporter pour le retour de l’Etat de droit?
Le seul problème de l’Afrique, notamment le Sénégal, c’est la question du respect des institutions. C’est en 1995 que j’ai écrit mon ouvrage intitulé : Les Africains sauveront-ils l’Afrique ? Plusieurs leaders de la classe politique sénégalaise ne l’ont pas lu. Même les juges devraient le lire. Notre principal problème, c’est qui doit gouverner, comment et qui il doit diriger ? Jusqu’à présent, l’Afrique n’a pas encore réglé cette question. Les pays qui tentent de la régler, c’est le Botswana et le Cap Vert. Les plus importantes institutions sont la justice et l’Assemblée nationale. L’administration est évidemment là. Pour les réformes de la justice, tout a été réglé par les Assises nationales. On avait indiqué que le chef de l’Etat ne doit plus être le président du Conseil supérieur de la magistrature. Je suis d’accord qu’une partie de notre justice fonctionne. Ce, même s’il y a des réformes à faire. C’est le cas de la justice civile, du code de la famille, etc. Le problème se trouve au niveau de la justice pénale et financière. C’est parce que le président de la République détient trop de pouvoirs. On doit réduire ses pouvoirs. Il est l’alpha et l’oméga. C’est en quelque sorte un demi Dieu. C’est lui qui commande la justice. C’est Macky Sall qui a systématisé le recours à la justice pour éliminer un adversaire politique. Cela doit cesser. Il faut qu’on règle ce problème pour avancer.
Ne faudrait-il pas contraindre le prochain président de la République au respect des réformes de la justice qu’il apportera ?
Il faut qu’on contraigne le président de la République pour faire respecter les réformes. Par exemple, notre constitution parle de haute trahison. Mais ce n’est pas défini. Personne ne sait de quoi s’agit-il. Nous devons avoir une loi portant sur la haute trahison. Parce que le chef de l’Etat doit être jugé. On doit tout éclairer. Tout candidat doit savoir, avant son accession au pouvoir, ce qui l’attend une fois devenu président de la République. J’y travaille. Je vais bientôt déposer une proposition de loi devant l’Assemblée nationale pour régler cette question. En Afrique, les chefs d’Etat sont liés. Ils sont assaillis par des lobbys, des institutions internationales. J’ai vécu cette situation parce que j’ai été secrétaire permanent de président. Il nous faut mettre en place des instruments qui vont contraindre le prochain président de la République. L’Assemblée nationale doit disposer de moyens lui permettant de contrôler le gouvernement. Je ne suis même pas d’accord sur le mode d’élection des députés. On doit sortir de ce carcan de listes nationales. On doit supprimer la liste nationale et maintenir celles départementales. Nous devons tendre vers un capital institutionnel. C’est le faible du Sénégal, de l’Afrique.
C’est bien beau de disposer d’institutions fortes. Mais n’avons-nous pas de problème de personnes qui les incarnent?
Nous avons d’abord un problème d’institutions et de règles. J’ai introduit une enquête parlementaire sur le building administratif Mamadou Dia. Mais elle a été bloquée. On n’avait annoncé 17 milliards de francs Cfa pour toute la réfection. Finalement, le marché de gré à gré a été filé à un vendeur de carreaux qui l’avait sous-traité à un autre. D’après mes investigations, le coût a dépassé 50 milliards de francs Cfa. Certains parlent de 60 milliards. Entretemps, l’immeuble a pris feu. Six autres milliards de francs Cfa ont été décaissés pour sa réfection. Le chantier est toujours en cours. De dix sept milliards de francs Cfa, on est presque à 60 milliards de francs Cfa. Ces montants représentent les coûts directs réels. Sans compter les autres montants décaissés pour la location d’immeubles. J’ai proposé une commission d’enquête parlementaire. La demande a été rejetée il y trois semaines par les députés de la majorité parlementaire Benno Bokk Yakaar. Ils estiment qu’il n’y a pas de problèmes. Je ne parle même pas de projets de loi. C’est Macky qui bloque l’Assemblée nationale. Il a tout banalisé. Malheureusement, l’opposition n’a pas pu obtenir, lors des dernières élections législatives, les 90 députés qu’elle cherchait. Si on avait obtenu ce nombre, l’histoire du Sénégal aurait changé.
Vous êtes beaucoup plus proche de Yewwi que Wallu qui vous a investi à l’Assemblée nationale..
Il faut comprendre que le mandat n’est pas impératif. Je suis un responsable. On ne m’impose pas ce que je dois faire. Nous sommes tenus au respect de la déclaration de groupe. C’est ce qui nous lie y compris Lamine Thiam, président du groupe parlementaire des Libéraux et Démocrates. Je suis toujours dans cette dynamique. Je n’ai jamais été d’accord sur la manière de vote du budget. Je n’ai jamais voté le budget de l’Assemblée nationale. Je considère que ce n’est pas légal parce qu’il doit être présenté d’abord à la commission des finances. C’est inscrit dans le règlement intérieur. A l’époque, Moustapha Niasse avait refusé catégoriquement. Je l’ai encore rappelé à l’installation de cette nouvelle législature. Ce budget, je ne le vote pas. C’est un principe que je ne négocie pas. Le groupe parlementaire de Benno a promis de régler cet impair l’année prochaine. C’est le consensus que nous avions trouvé. Pour mon soutien à Aminata Touré, je suppose qu’on ne doit pas utiliser des moyens constitutionnels pour régler des questions politiques. On tablait sur 200 mille emplois. Le gouvernement n’est parvenu qu’à libérer 20 mille emplois pour les jeunes. Le reste ce sont les entreprises et le secteur informel réorganisé qui peuvent donner du travail aux jeunes. C’est cela notre programme économique. Je l’avais rédigé soutenant que ce que l’ont fait actuellement avec le Fmi et la Banque mondiale ne nous conduira nulle part. J’avais rédigé ce document lorsque j’étais âgé d’à peine 35 ans. Le livre est enseigné dans le Supérieur par certains professeurs courageux. Si nous sommes élus, nous aurons un vrai ministère de l’Economie. Ce qu’ils font ce n’est pas de l’économie mais plutôt de la coopération internationale.
Quelle est la différence entre économie et coopération internationale
Ce que Moustapha Bâ (le ministre des Finances et du Budget : Ndrl) fait, c’est le travail d’un haut fonctionnaire de l’Etat. Les Sénégalais savent comment négocier avec la Boad, la Bid… Peut-être qu’avant, il n’y avait pas beaucoup de hauts cadres. Mais actuellement il y a une armée de jeunes sénégalais qui peuvent le faire.
C’est quoi donc le travail d’un vrai ministère de l’Economie sous un régime dirigé par Mamadou Lamine Diallo?
Un ministère de l’Economie, c’est un grand département. Ce ministère doit se donner les outils pour régler le problème du foncier. Au Sénégal, le foncier est devenu problématique. En son temps, Macky avait dit qu’il allait solutionner ce problème. Il avait ainsi créé une structure confiée à Me Doudou Ndoye. Le rapport qui a été produit a été rangé dans les tiroirs. Le ministère de l’Economie doit se charger de ce problème. Il doit créer un secrétariat ou ministère délégué chargé des Domaines. Faire des réformes au niveau du secteur informel. C’est cela le travail du ministère de l’Economie. Il doit aussi travailler sur le secteur de la monnaie. Notre monnaie doit accompagner notre politique d’industrialisation parce que dans cette politique, il y a aussi l’exportation et l’importation. Avoir sa propre monnaie est impératif. Changer la dénomination Cfa importe peu. Nous sommes un petit pays, il est impératif de placer nos réserves. A l’époque, on le faisait au niveau du trésor français, maintenant c’est sur les marchés. Tant mieux. On doit avoir une politique monétaire et nous orienter vers une politique de taux de change. J’ai rédigé cela dans un ouvrage depuis 2004.
C’est donc là que se trouve la problématique ?
Effectivement. C’est le taux de change qui peut accompagner l’industrialisation. On dit des Chinois qu’ils sous-évaluent leur monnaie. C’est dans le seul but de soutenir leurs exportations pour pouvoir vendre à l’étranger. Notre politique de taux de change est la même qu’en Allemagne et ailleurs. Alors que ces pays ont une économie lourde. Si vous avez la même politique de change, votre économie va en pâtir. Le ministère de l’Economie, en étroite collaboration avec les ministères du Commerce et de l’Industrie, doit s’orienter sur cet aspect. Je ne peux pas aller loin parce qu’on risque de nous voler nos idées.
Des années 1960 à nos jours, on a l’impression qu’on a une économie qui ne profite qu’à quelques privilégiés. N’est-ce pas votre avis ?
On doit créer des entreprises pour l’amélioration de l’économie afin que tous les Sénégalais s’y retrouvent et puissent s’enrichir. Ce sombre diagnostic, on l’avait établi dans le rapport des Assises nationales. On a hérité cela du système colonial. On nous avait, par exemple, forcé la culture de l’arachide qui était immédiatement exportée en France via le train et le port construit par le colon. On doit développer nos industries, créer des Pme et Pmi pour nos jeunes. Je crois à ce modèle.
Avez-vous été saisi officiellement comme président de Tekki à participer au dialogue ?
Non. C’est parce qu’il (Macky Sall, ndlr) ne nous respecte pas. Avec ses réalisations issues de dettes colossales, il pense être au-dessus de tout le monde. En plus de cela, avec la justice à sa disposition et les forces de l’ordre, il nargue son monde. C’est à cela qu’il croit. Le peuple qui a le dernier mot va nous arbitrer. Dieu déteste l’injustice et va également nous arbitrer. L’expérience que nous avons de son dialogue, c’est qu’il s’agit d’habillage politique parce qu’il a déjà discuté avec les personnalités avec qui il va dealer. Moi, je n’entre pas dans ces genres de deal. Le premier dialogue, c’était un habillage pour libérer Karim de prison et l’exiler au Qatar. L’autre dialogue, c’était pour faire entrer dans le gouvernement Idrissa Seck et Oumar Sarr et éliminer le parrainage des élections locales. Cette fois-ci aussi, il cherche quelque chose dans ces concertations parce que tout est calculé chez Macky Sall. Je pense qu’il cherche la validation de sa troisième candidature.
Ah bon ?
Votre confrère Yoro Dia disait qu’il ne s’agissait pas de problème de Conseil constitutionnel, mais d’interprétation de la langue française. Il peut chercher un constitutionnaliste comme ce Drago qui serait un proche des Le Pen, mais qu’il sache que les peuples africains n’approuvent pas qu’il reçoive Marine Le Pen. Il peut faire ce qu’il veut. Ce qui est clair et certain, c’est qu’il ne peut pas avoir une troisième candidature. S’il veut faire du forcing, il verra parce que le Sénégal ne lui appartient pas.
Est-ce qu’il ne va pas chercher un spécialiste en littérature pour interpréter la constitution dont il avait commandé la rédaction et écrit dans son ouvrage qu’il ne peut pas faire un 3ème mandat ?
Ce qui est grave, c’est une personne qui ne respecte pas sa parole. Un bon père de famille doit respecter sa parole et ses engagements. Les événements vont le surprendre. Il continue avec ses injustices alors que Dieu le Tout Puissant n’aime pas ça. Le réveil risque d’être brutal pour lui.
(Walf Tv)
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